Sommes-nous conditionnés pour croire aux fake news ?

Notre cerveau traite et mémorise l'information de façon à donner du sens au monde qui nous entoure. Cependant, ces processus de traitement de l'information contribuent également aux conséquences problématiques de l'exposition à de fausses informations (voir ici). Voici certains aspects du fonctionnement de notre mémoire, ou certains facteurs pouvant les influencer, que nous avons identifiés durant nos lectures.
  • L'assimilation de l'information en mémoire 
Connaissez-vous l'affaire Jourdan ? L'histoire d'une jeune fille de 7 ans ayant été violée et tuée par un homme en 1988. Dans cette affaire, un homme, Richard Roman avait été accusé du meurtre par Didier Gentil, un homme qui avait reconnu le viol de la jeune fille mais pas le meurtre. Roman avait à l'époque avoué ce meurtre avant de se rétracter, il avait ensuite été acquitté suite au retour de Gentil sur ses aveux. Malgré l'acquittement, le doute reste pour certaines personnes sur sa culpabilité. 20 ans plus tard, Richard Roman meurt à l'âge de 49 ans. 

Cette affaire parmi tant d'autres, illustre un processus cognitif extrêmement fréquent : lorsqu'une information, qu'elle soit valide ou inexacte, est assimilée (ou "encodée" en jargon psy) en mémoire, elle peut être récupérée pour une utilisation ultérieure. Malheureusement, lorsque ces nouvelles informations contredisent les connaissances antérieures, les informations précédemment acquises ne sont pas effacées de notre mémoire (voir ici). Dans notre exemple, cela se traduit ainsi : suite à ses aveux, le public a cru Roman coupable pendant un temps et l'information, survenue plus tard, indiquant qu'il était innocent n'a pas suffi pour supprimer de notre mémoire les aveux qui le rendait coupable.
  • La compréhension de l'information

Après l'assimilation, notre cher cerveau cherche à comprendre l'information. Pour cela, il mobilise d'importantes ressources mentales : il ne lui reste alors que peu de ressources pour s'assurer que ce qu'il lit est vrai (voir ici). Par exemple, c'est comme si vous essayiez de tourner votre pied droit dans le sens des aiguilles d'une montre, et de dessiner un "6" dans les airs avec votre main droite : votre pied tournera automatiquement dans l'autre sens. 

  • La disponibilité de l'information

En général, nous nous souvenons de toutes les nouvelles informations que nous lisons comme si elles étaient forcément correctes, alors que bien souvent ce n'est pas le cas. Cela peut arriver même lorsqu'il est clairement indiqué que l'information est fausse (Voir ici).

Vous aimez les devinettes ? En voici une : combien d'animaux de chaque espèce Moïse a-t-il emmené sur son arche ? … Vous avez répondu deux ? Eh bien non, vous avez faux ! Il n'en a emmené aucun. C'est Noë qui l'a fait ! Si vous vous êtes faits avoir, sachez que c'est parce que le sentiment selon lequel l'information peut être facilement accessible depuis la mémoire nous amène souvent à considérer cette information comme vraie, même lorsqu'elle est manifestement fausse (Voir ici). 

Les auteurs d'une étude réalisée sur des personnes, qui savaient que les pèlerins avaient voyagé en Amérique sur le Mayflower, ont été très étonnés par les résultats. En effet, ils ont présenté aux participants un petit texte assurant que le nom du bateau était le "Godspeed". Ensuite, ils leur ont demandé "quel bateau a emmené les pèlerins jusqu'en Amérique ?" et les participants ont répondu par une mauvaise réponse, alors qu'ils étaient censés connaître la bonne réponse. Les auteurs ont expliqué ce résultat par le fait que nous jugeons de la véracité d'une information en fonction de la facilité avec laquelle on peut s'en souvenir. Par conséquent, des inexactitudes récemment présentées nous semblent plus vraies ou pertinentes et nous reviennent donc plus facilement en mémoire lors d'un test ou influencent les jugements que nous portons sur le monde. (voir ici).
  • Effet Dunning-Kruger ou illusion de connaissance
Le célèbre philosophe, Bertrand Russel, disait :

Citation Bertrand Russel
Si l'on se fie à l'effet présenté ici, il avait bien raison. En effet, Les individus surestiment leurs connaissances et compétences, ce qui peut leur créer des difficultés pour décider sur quels contenus s'appuyer. Par exemple, après une étude proche de celle du Mayflower et du Godspeed, certains participants se sont surestimés en affirmant qu'ils connaissaient la réponse, fausse, qu'ils avaient donné, bien avant l'expérience. Pourtant, il était vraiment improbable de trouver cette information ailleurs, vu qu'elle avait été créée pour les besoins de l'expérience.
  • Influence des détails exagérés sur la mémoire 
Une étude (voir ici) a montré que des articles de journal ou des reportages télévisés contenant des détails exagérés étaient plus susceptibles de mener à des souvenirs erronés que les articles ou reportages corrects. Cela même si les participants étaient plus sceptiques envers ceux-ci. Pour expliquer cela, les auteurs supposent que les détails exagérés encouragent le cerveau à créer des pensées et images allant au-delà des informations transmises par les médias, et que ce sont ces pensées qui nous empêchent de nous rappeler correctement de ce que nous avons lu dans un journal ou vu à la télé.

Delcuve Zoé, Dupriez Céline, Gonin Clara

Références

Lawson, V. Z., & Strange, D. (2015). News as (hazardous) entertainment: Exaggerated reporting leads to more memory distortion for news stories. Psychology of Popular Media Culture, 4(2), 188- 198. 

Pantazi, M., Kissine, M., & Klein, O. (2018). The power of the truth bias: False information affects memory and judgment even in the absence of distraction. Social cognition, 36(2), 167-198. 

Rapp, D. N., & Donovan, A. M. (2017). Routine processes of cognition result in routine influences of inaccurate content. Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 6(4), 409-413. 

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