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Comment pouvons-nous nous protéger face aux « Fake News » ?

Nous venons d’apprendre beaucoup d’éléments au sujet des « fake news » et de leurs implications dans le monde actuel. Il importe à présent d’examiner certaines stratégies capables de contrer ce phénomène.

En effet, la dangerosité des fake news peut varier tant en fonction des différences individuelles des lecteurs qu’en fonction de l’ampleur de leur propagande. D’ailleurs, la problématique des fake news prend tellement d’ampleur qu’elle est devenue une préoccupation de l’Etat, leur domaine de prédilection restant la politique. 

                                                      figure 1 : Emmanuel Macron



Figure 1 Emmanuel Macron


C’est pourquoi, lors de ses vœux faits à la presse, Emmanuel Macron, lui-même victime de fake news, s’est engagé dans la lutte contre ces dernières. A cette annonce, plusieurs acteurs du droit ont rappelé la loi française de 1881 sur la liberté de presse qui prévoit, à l’art 27, une amende fixée à 45 000 euros lorsque la fake news/fausse information trouble l’ordre public ainsi qu’à l’art 31, qui condamne la diffamation. De même le géant Facebook, en la personne de son créateur Mark Zuckerberg, a récemment lancé une chasse aux fake news pour 2018 et a changé les algorithmes de son site afin de favoriser les sources d’informations jugées fiables par les utilisateurs. Si certains sites ne cachent pas leur caractère satirique, d’autres se prétendent fiables de contenu mais ne manquent pas à la règle de la déformation de l’information pour générer plus de clics. Le dessein funeste des fake news s’inscrit donc dans une société où la réalité côtoie la fiction et où le sens critique des individus s’emploie à discerner le vrai du faux. Même s’il n’existe pas de radars à proprement parler pour dépister les fausses informations, il est néanmoins possible d’affiner son regard critique ainsi que, pour les spécialistes, d’user de certaines méthodes d’analyse du contenu des fake news.



Existerait-il un outil de traçabilité ?

Plusieurs études se sont d’ailleurs penchées sur la création de méthodes de dépistage du mensonge dans des textes écrits, informatisés ou non. Une approche méthodologique qui s’est dégagée est celle de la méthode d’analyse linguistique. Cette méthode sous-tend une analyse approfondie du vocabulaire employé, de la syntaxe profonde, de la sémantique, de la structure rhétorique, du discours et enfin de la classification. Selon cette logique, les mensonges trahiraient un usage langagier propre pouvant être dépisté. Cet outil permettrait, par exemple, de retrouver certaines personnes à l’origine d’informations fausses en cherchant certains « repères de tromperie prédictive » utilisés par erreur par l’auteur. Cette méthode qui a été créée dans le but de mettre fin aux informations fausses n’a pas encore fait ses preuves chez nous, mais reste une piste intéressante.

Et vous, que pouvez-vous faire concrètement ?

À une échelle plus personnelle, la lutte commence par l’augmentation de sa vigilance et de sa critique pour éviter de tomber dans l’ingestion constante de fausses informations. Une solution pour permettre de lutter contre les fake news et leur propagation serait d’éduquer les plus jeunes face aux médias. Parmi les médias les plus connus, internet reste la bête noire dans la diffusion de fake news. Cependant, les fake news n’existent pas « à cause » d’internet, mais résultent plutôt de sa mauvaise utilisation et du traitement erroné de l’information par les internautes.

Une autre solution pour lutter contre les fake news serait d’arriver à se rappeler de nos connaissances relatives au sujet des fake news stockées en mémoire à long terme.  Concrètement, si un texte affirme que Saint-Pétersbourg est la capitale de la Russie, nous devons essayer de nous remémorer nos cours de géographie, quand notre professeur insistait sur le fait que la capitale de la Russie est Moscou. Mais cet exercice est difficile, d’autant plus que Saint-Pétersbourg est une ville russe très connue. Utiliser nos connaissances antérieures pour juger de la véracité d’une information ne s’avère-t-il pas souvent payant ?


                                                   Figure 2 Saint-Pétersbourg



Baddeley et Hitch (1993), deux auteurs ayant étudié la mémoire, expliquent ce phénomène de rétention en précisant que les informations récentes auxquelles une personne peut être exposée laissent une trace en mémoire à court terme qui entre en concurrence avec nos connaissances en mémoire à long terme. Autrement dit, les nouvelles informations qui nous sont présentées ont tendance à primer dans notre réflexion immédiate compte tenu de leur caractère récent et ce, indépendamment de leur véracité.  Pour contrer cela, il faut aider les gens à éviter d’encoder des erreurs et/ou à les encourager à remarquer que certaines traces sont problématiques. Dans la vie de tous les jours, il est difficile d’empêcher que ce « mécanisme réflexif » se produise mais il est possible d’acquérir davantage de connaissances dans un domaine ou sujet avant de lire des articles qui y sont associés. En effet, c’est le manque de connaissances d’un sujet et donc de confiance en nos savoirs qui encourage la crédulité envers les premières informations erronées qui nous sont présentées. En conséquence, avant d’émettre un jugement sur la véracité d’une information, renseignez-vous sur le sujet.

Notre conseil suivant pour réduire l’effet « fake news » est d’analyser le contexte donné. Effectivement, certains auteurs suggèrent que les informations inexactes sont moins susceptibles d’être utilisées si elles sont comparées à des connaissances antérieures. De fait, les individus sont moins enclins à croire les « fake news » si l’information se réfère à un contexte fantaisiste (le monde d’Harry Potter) plutôt qu’à un contexte réel.  Dès lors, le contexte qui entoure une information peut servir de piste à son interprétation. La comparaison avec nos connaissances antérieures pourra donc permettre de jauger la crédibilité et la probabilité qu’une information soit vraie.

Un autre point à souligner est que certaines informations sont pertinentes pour diverses situations, mais que d’autres informations sont particulièrement pertinentes dans un contexte particulier. Par exemple, le fait d’intégrer et d’imaginer qu’un homme puisse tisser des toiles grâce à ses mains pour protéger la ville des méchants (rôle de Spiderman) est utile pour lire des bandes dessinées. Mais cette annonce est moins utile pour considérer la façon dont les policiers exécutent leurs tâches.

Il convient également de porter une attention particulière au degré de véracité/fausseté de l’information. En effet, les informations inexactes de toutes sortes ne sollicitent pas des niveaux de confiance similaires. Certaines inexactitudes sont tellement invraisemblables que les gens les identifient facilement comme erronées. Il a d’ailleurs été mis en évidence que les informations invraisemblables, comparées à des informations plausibles, sont beaucoup moins susceptibles d'être invoquées pour des décisions ultérieures. Si nous reprenons l’exemple de la Russie, avec un texte affirmant que la capitale de la Russie est Tokyo, le lecteur n’y aurait pas cru tant la réponse proposée s’éloigne de la vérité. La réponse de Saint-Pétersbourg est beaucoup moins évidente et porte plus à confusion, étant donné qu’il s’agit d’une grande ville russe. David N. Rapp (2016) explique ce phénomène par la confusion naissante du mélange de caractéristiques vraisemblables avec une information fausse. Dès lors, une information fausse qui se rapproche fortement d’une information vraie de par le nombre de caractéristiques principales similaires qu’elle présente, sera plus susceptible d’induire le lecteur en erreur. Au contraire, si l’information fausse se montre d’emblée fortement différente d’une information plausible, elle sera d’office rejetée par le lecteur. Par conséquent, lorsqu’une information sème le doute dans votre esprit, il convient alors de la décortiquer et de sonder si les caractéristiques principales qu’elle laisse paraitre sont cohérentes et vraies.

Finalement, la dernière action à prendre en considération pour contrer les « fake news » est de se montrer curieux et de s’intéresser aux sources utilisées, surtout si nous avons peu de connaissances sur le sujet concerné. Pour rappel, les inexactitudes pour lesquelles les individus n’ont aucune connaissance préalable pertinente sont les plus susceptibles de les désinformer. En d’autres termes, lorsque nous avons peu de connaissances sur un sujet, il convient préférablement d’étendre nos connaissances dans le domaine afin de contrer l’effet de désinformation et notre vulnérabilité face à ce dernier. De même, tenir compte du contenu de l’information n’est pas suffisant, il faut aussi porter une attention particulière à la source. Des sources considérées comme étant fiables peuvent aussi fournir des informations inexactes, et dans ce cas les individus sont plus susceptibles de les utiliser que si elles étaient fournies par une source non fiable. Par ailleurs, d’autres auteurs démontrent que lorsque les gens savent peu de choses sur une source, ils considèrent que l’information provenant de cette source est crédible. Cela correspond aux processus normaux de cognition car les êtres humains ont tendance à accepter une nouvelle donnée plutôt qu’à la soumettre à une réanalyse ou à une critique.

Le mot de la fin

En conclusion, l’infaillible n’existe pas et nous sommes tous, à des degrés différents, susceptibles d’être influencés par de la désinformation. De plus, l’enjeu de la lutte contre cette désinformation ne se réduit pas à limiter les dommages d’ordre individuel mais tente aussi d’empêcher une mise en danger de la quiétude démocratique. C’est pourquoi, tout un chacun peut s’engager à être acteur de cette lutte contre les fakes news et participer au projet de diminution de leur diffusion. 

                                                                     Dorian Luczak  , Ombeline Guillaume,   Rebecca Flandre.



Nos sources pour les billets 
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